On va prendre la peugeot, là, bientôt. Le père doit passer l’aspirateur dedans tous les deux jours, à peine si j’ose y poser une fesse. La petite nuit tombe sur la maison. Le ballet des volets à fermer et le feu qui flambe y’en a des stères à brûler, ils ont du débiter la forêt jusqu’à Draguignan. On sait jamais si les russes attaquent l’Ukraine. On a fait hosto, le traitement. Ma vieille s’était fait une beauté pour le jeune médecin, une pointure, qui fait son galant. Elle m’a fait l’article du lieu, flambant neuf, la visite, comme un agent immobilier. Mais elle avait les mains qui tremblent. Deux heures avant de prendre la peugeot pour m’amener là-bas, au bateau, reviens vite denis, oui je suis nomade, le type essoufflé. Avant on était plutôt citron dans la famille, les bagnoles du général, quelque chose le général, le grand Charles on disait, mais on a jamais pu se payer la ds. Toute façon la DS c’était pour les hommes, les femmes et les enfants avaient envie de gerber. Mon vieux est là, à un mètre sur son PC, j’ai un peu la honte d’écrire comme ça sur eux, en loucedé, mais je suis écrivain, c’est mon métier la chronique de nos manies humaines. Maman fait dans le sudoku, pour moi du chinois… « quatre gousses d’ail et curcuma » qu’il dit le paternel, il bosse son poulet curry, coco, le retour. Tu lui parles pyramides de Chéops, il saute sur son ordi. Un surfeur. Mon père le surfeur d’argent. La peugeot patiente dans le jardin, bientôt le bateau, je vais m’y saouler dès le quai, le martini est à 4,80 euro, mettez m’en un autre. Et puis après un petit vin de Sartène, en mangeant. Il est déjà 7 heures, elle dit la mère, oui déjà. C’est toujours déjà, nos vies, tu sais. Demain matin je descendrai du bateau jaune comme une guèpe, je rejoindrai, Ajaccio ville impériale, et mon petit bonhomme, la génération descendante. J’aurais la gueule de bois. Je verrai passer mon ange dans le ciel.