Ajaccio Nivose. An 221.
Sur la place du diamant, vaste esplanade dont la traversée l’été occasionne des hypothermies et parfois des décès par insolation, on a dressé un village de Noël. Au beau milieu une patinoire avec de la vraie glace et une cellule de soutien psychologique pour les mères qui ont perdu leur enfant dans un trou d’eau ou, pire encore, leur foulard Hermès . Les chalets vendent des santons provençaux, des poissons rouges, des nourrissons du tiers monde, des sucreries et du vin. Les merveilleuses arborent la bijouterie, le plaquage en fond de teint, et des ustensiles de mode venus de toutes les grandes places financières. Les incroyables causent politique, reprennent de la bière à la châtaigne et houspillent les enfants. Lesquels courent partout jouant à cache-cache et à chat, renversant à l’occasion une vieille qui tentait de maintenir le cap vers le marché aux agrumes. C’est festif et coloré, on en oublierait la mer, en contrebas, indifférente, qui bosse ses vagues. J’aime bien, finalement le marche de Noël par son dérisoire même qui nous ramène aux fêtes païennes (on cherche en vain le chalet du curé) quand on fêtait le solstice. Fêtes avec du feu pour se presser autour, du tord boyau pour se raffermir l’âme, et des histoires tragi-comiques à se raconter en prenant bien garde de ne pas en être l’anti-héros. Noël c’est l’anticipation d’un jour de l’an qui ajoutera une encoche sur l’arbre de vie, un sapin si vous voulez, dégoulinant de résine à vous coller les doigts. Un ami passe, on ne l’aurait pas vu, on boit un canon, on se moque un peu, on voit des dents qui rient. On est vivants, on ramasse la vieille, le village braille comme un nid de colons sur une planète lointaine.